Poisson ignoré des pêcheurs écossais, longtemps détesté en Angleterre au point de parfois servir de nourriture aux chiens tant il était accusé il y a peu encore d’être concurrentiel avec les truites, l’ombre ne bénéficie pas partout d’un statut de poisson digne d’être pêché de façon “sportive”. En France, en revanche l’ombre (Thymallus thymallus) a toujours représenté un fort intérêt halieutique. Cet attrait pour ce poisson est en partie dû à son comportement à la fois curieux et peu farouche mais parfois également tatillon au point de refuser le contenu d’une boîte à mouches si ce qu’on lui propose ne lui convient pas. L’ombre est autant un poisson de petits que de grands cours d’eau. Dans un passé proche (jusque dans les années 1990), il se pêchait sur le cours non canalisé du Rhin au niveau de Mulhouse, du “vieux” Rhône savoyard et du cours moyen de l’Allier en hiver jusqu’au 31 décembre. C’était une ambiance très particulière mais fabuleuse, en équilibre sur les galets à ras les waders pour espérer gagner quelques mètres dans une eau glacée, parfois sous la neige. Mais les temps, dans tous les sens du terme ont bien changé et cette pêche hivernale reste aujourd’hui anecdotique, car les populations d’ombres sur ces secteurs de plaine ont nettement régressé. Un demi-siècle plus tôt, on le pêchait sur le cours aval du Doubs jusqu’en Saône-et-Loire, à plus de 300 km de la source ! Beaucoup ne savent pas que les Mouches de Charette font références au village de Charette en Saône-et-Loire sur les rives du Doubs et que cet endroit était autrefois un haut lieu de la pêche de l’ombre. Sur l’Allier il était présent bien en aval d’Issoire, sur la Loire jusqu’au niveau de Saint-Etienne, et sur le Rhône jusqu'à Lyon. L’ombre de notre début de siècle s'est replié vers les zones amont des cours d’eau, tout simplement parce que les parties basses ne sont plus compatibles avec ses exigences biologiques dans des cours d’eau segmentés par de nombreux seuils. L’espèce subsiste parfois en aval des grands barrages hydroélectriques comme sur la Dordogne, mais ces ouvrages ont globalement fait beaucoup plus de mal que de bien. Les effets cumulés de plusieurs facteurs comme la disparition des zones humides, la monoculture de résineux, la segmentation des cours d’eau par des seuils infranchissables sont à l’origine de la régression de l’espèce. Elle est inscrite à l’annexe III de la convention de Berne, et même classée « vulnérable » par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Elle est aussi mentionnée dans l’annexe V de la directive habitat faune/flore de 1992, alors qu’en Suisse elle est considérée comme menacée par l’ordonnance relative à la loi sur la pêche (OLFP RS. 923.01). Et les étés caniculaires que l’on vit depuis peu ne vont pas arranger les choses.
Pour les pêcheurs français, l’ombre est surtout recherché dans l’est du pays, dans les cours d’eau affluents du Rhône. L’ombre du bassin de la Loire est quant à lui moins médiatique mais bien présent. Cet ombre ligérien est celui de la Loire, de l’Allier et de leurs affluents. Si avec les truites, les différences de robes trahissent des origines génétiques qui sautent aux yeux. Avec l’ombre, il faut un œil d’expert pour différencier les populations, ou plutôt un protocole scientifique de recherche ADN dernier cri ! Sans les pêcheurs, il n’y aurait sans doute eu aucun brassage génétique, mais comme partout en France, les pêcheurs ont pratiqué des déversements d’ombres élevés en piscicultures de diverses origines génétiques dans les eaux de la Loire, de l’Allier, du Chapeauroux, de la Sénouire, de l’Ance ou de l’Alagnon.
Ancien chargé de recherche CNRS au laboratoire d’écologie des hydrosystèmes fluviaux de l’université Lyon 1, Henri Persat est notre spécialiste national de l’ombre. Il a beaucoup travaillé sur la diversité génétique de ses populations, notamment sur ceux du bassin de la Loire. Le but de ses études réalisées en collaboration avec des scientifiques étrangers était d’évaluer la structure génétique des populations d’ombres, indigènes ou étrangères et d’en tirer un certain nombre de conclusions à propos par exemple de l’efficacité ou des dangers des alevinages. De ces études découlent également un certain nombre de recommandations à destination des gestionnaires des cours d’eau dans l’intérêt de la préservation des populations d’ombres.
Ces études ont révélé de belles surprises et même quelque chose d’extrêmement rare dans la vie d’un scientifique, qui plus est en France à notre époque, la “découverte” d’une nouvelle espèce. Certes, notre Thymallus ligérien était connu des pêcheurs et des scientifiques, mais au vu des caractéristiques génétiques de l’animal après examen approfondi des différences avec Thymallus thymallus, il s’agit bien d’une espèce distincte. Ainsi est né Thymallus ligericus, l’ombre du bassin de la Loire. Visuellement, cet ombre se distingue de son cousin notamment par l'abondance des taches noires qui constellent ses flancs.
Des recherches poussées
L’étude génétique des ombres de l’Alagnon, après celles des populations de la Haute-Loire, du haut Allier et de la haute Vienne faites avec l'appui des Fédérations de pêches concernées, s’est faite en collaboration avec l’Institut de Zoologie de l’Université de Graz en Autriche. Le laboratoire du professeur Steven Weiss possède une solide expérience en termes d’analyses génétiques sur le genre Thymallus. Le Pr Weiss étant spécialiste en phylogéographie des poissons (étude des principes et processus qui gouvernent la distribution des lignées généalogiques, spécialement celle de niveau intraspécifique) et plus spécialement en conservation des populations de poissons.
Cette étude portait sur deux aspects distincts :
“- L’ADN mitochondrial pour identifier la ou les lignées évolutives présentes dans la population. Le séquençage de la région de contrôle de l’ADN mitochondrial étant une opération assez onéreuse, il n’a été pratiqué que sur un sous-échantillonnage d’une quarantaine d’individus.
- Les microsatellites de l’ADN nucléaire pour mettre en évidence des différenciations génétiques à des échelles de temps et d’espace beaucoup plus fines pouvant résulter de modifications récentes de l’habitat, ou des alevinages. L’analyse a porté sur douze microsatellites relevés sur l’ensemble des individus.
Pour situer les populations de l’Alagnon par rapport à celles d’autres affluents du bassin de la Loire et au-delà, les résultats ont été comparés avec ceux obtenus auparavant sur la Loire du Velay, l’Ance, l’Allier, la Vienne, mais aussi la basse rivière d’Ain, celles des piscultures de Besse-en-Chandesse (63), Obenheim (67) et Chazey-Bons (01), ainsi qu’avec des ombres d’un affluent du Danube autrichien. Toutes ces souches sont susceptibles d’avoir été introduites dans le bassin de la Loire et donc dans les eaux de l’Alagnon sous forme d’alevinages au fil du temps.”
La conclusion de l’étude menée sur l’Alagnon est très informative. Elle renseigne notamment sur l’effet néfaste des seuils, qui isolent les populations ainsi que sur l’efficacité très relative des alevinages (pratiqués jusqu’en 2013 sur l’Alagnon). Et elle souligne le caractère patrimonial exceptionnel des poissons natifs de ce cours d’eau :
“ L’analyse génétique des populations d’ombres commun le long du cours de l’Alagnon selon deux types de marqueurs congruents (ADN nucléaire et ADN mitochondrial) montre qu’elles présentent un profil typiquement ligérien, mais avec une composante originale qui permet d’affirmer que l’on a affaire à des populations natives propres à cette rivière. La recherche d’une influence des alevinages sur la génétique des populations locales s’est en revanche avérée négative.
Au long de l’Alagnon, les différences génétiques entre stations apparaissent faibles quoique la population la plus en amont, sur le secteur de Chapelle-d’Allagnon apparaît se différencier un peu de l’aval. Ceci peut être mis en relation avec son isolement de l’aval depuis plusieurs siècles par un seuil infranchissable, le seuil Gaspard. Ce n'est guère visible au niveau de l’ADN nucléaire, mais nettement plus au niveau de l’ADN mitochondrial où on observe un fort contraste de fréquence entre les deux haplotypes observés, celui largement dominant à Chapelle étant rare en aval. Chaque individu ne pouvant être porteur que d’une seule version d’ADN mitochondrial (transmis par la mère), alors qu’il peut porter jusqu’à quatre versions différentes d’ADN nucléaire (transmis par les deux parents), les processus de sélection ou de simple dérive génétique entrainant une perte de diversité génétique (fixation) sont 4 fois plus rapides pour le premier, ce qui expliquerait qu’il marque bien mieux la présence de ce seuil infranchissable depuis plusieurs siècles. La suppression de ce seuil ou son équipement d’une passe à poisson fonctionnelle pour l’ombre commun permettrait de voir si ces différences génétiques, somme toute bien minimes, reposent sur le simple hasard ou si elles expriment une certaine composante adaptative locale ; en ce cas, les différences génétiques devraient perdurer malgré l’ouverture du passage. (&hellip
. L’étude permet d’affirmer que la population d’ombres communs de l’Alagnon appartient à une souche locale native à forte valeur patrimoniale, non renouvelable en l’état en cas de disparition. Celle-ci mérite donc une politique de protection en conséquence, en mettant notamment un terme, comme cela a été fait en 2012, à toute opération de soutien artificiel avec des souches extérieures (même issues du reste du bassin de la Loire) dont on a pu au demeurant constater souvent l’inefficacité (Persat et al. 2016), alors que cela comporte toujours un certain risque pour les populations natives. (&hellip
.”
L’étude préconise donc “une protection de l’habitat avec libération du lit de la rivière par suppression des enrochements de berges là où ils ne sont pas indispensables et l’élimination des derniers infranchissables, notamment le seuil Gaspard”. Henri Persat recommande également la préservation des eaux de l’Allanche en tant que zone de fraie et de refuge potentiel pour les alevins et les juvéniles en cas de pollution accidentelle majeure dans le cours principal de l’Alagnon.
Le SAGE Alagnon (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux) en vigueur pour 2018-2028 devra donc prendre en compte les préconisations issues de cette étude. Aux pêcheurs et aux amoureux de l’Alagnon de veiller au grain pour que les bonnes intentions du SAGE se concrétisent.
Des ombres très discrets
Nous avons demandé à Thierry Millot, guide de pêche bien connu, qui vit dans la vallée de l’Allier et qui fête d’ailleurs cette année ses vingt ans de guidage de nous dresser un portrait halieutique de cet ombre ligérien. Thierry pêche l’ombre du bassin de la Loire depuis une quarantaine d’années, et selon lui, les ombres ligériens se distinguent de ces cousins par une très faible activité en surface, et cela même lors de belles éclosions. C’est ce qui explique sans doute l’engouement traditionnel des pêcheurs locaux pour la pêche à la mouche noyée. Certes, la pêche à la nymphe, qui permet de pêcher plus creux à aujourd’hui la préférence de la majorité des pêcheurs. Autre particularité, liée cette fois à la nature géologique granitique des lieux, les ombres ligériens se nourrissent peu, avec des pics d’activité très brefs. Mais pour autant, ils restent des ombres, c’est-à-dire des poissons dont le trait de caractère le plus singulier reste la curiosité. Les mouches pour la pêche de l’ombre du bassin de la Loire doivent se rapprocher de la teinte générale du milieu, sans oublier une touche de fantaisie toujours payante. Nous ne pouvons qu’insister sur le respect de ce poisson très fragile lors de la manipulation. Les hameçons sans ardillons sont une évidence pour ce poisson qui ne doit pas être sorti de l’eau lors du décrochage. Ne jamais les prendre à pleine main. Un gros ombre se maintient à deux mains, sous la tête et sous le pédoncule caudal, sans jamais serrer le ventre au risque de provoquer une hémorragie interne dont l'issue fatale ne se manifestera qu'après l'avoir relâché. Les nymphes sans ardillons s’enlèvent très facilement généralement en moins de cinq secondes alors que les mouches sèches peuvent poser problème si elles ont été avalées. Nous ne pouvons que recommander l’usage d’une mini pince ou d’un dégorgeoir de type Petitjean.
(Interview)
Henri Persat, scientifique, référence nationale de l’ombre commun, a accepté de répondre à nos questions au sujet de ses recherches sur l’ombre de bassin de la Loire
8’6. Henri Persat, quel est votre parcours professionnel et sur quoi portent vos recherches ?
Henri Persat : J’étais Chargé de Recherche CNRS au Laboratoire d’Ecologie des Hydrosystèmes Fluviaux de l’Université Lyon 1. Maintenant je suis à la retraite mais en tant que membre de la Société Française d’Ichtyologie, je collabore toujours avec le Muséum national d’Histoire Naturelle pour parfaire nos connaissances sur l’ichtyocénose dulcicole métropolitaine. Nous sommes notamment en train d’achever la réédition actualisée de l’ouvrage Les Poissons d’Eau Douce de France. Plus personnellement, j’essaie d’achever l’inventaire de la diversité génétique des populations françaises d’ombres communs.
8’6. Pourquoi avoir choisi l’Alagnon dans le cadre d’une étude portant sur l’ADN des ombres du bassin de la Loire ?
H.P. Je n’ai pas “choisi” l'Alagnon : l’Alagnon s’inscrit dans le prolongement des études antérieures sur les populations d’ombres du bassin de la Loire (Loire du Velay, Ance du Nord, Lignon du Forez, Allier, Vienne&hellip
faites à la demande et avec le support financier des différentes Fédérations de Pêche concernées.
L’origine de ces travaux vient d’une observation que j’avais faite dès le début de mes recherches (1976) quant à la situation paradoxale de la présence naturelle des ombres dans le bassin de la Loire alors qu’il n’y en avait pas historiquement dans le bassin de la Seine. En effet, les faunes piscicoles de la Loire et de la Seine présentent une assez forte similitude reflétant des échanges dans l’ancien temps, alors que ce n’est pas le cas entre la Loire et le Rhône. Le fait qu’il n’y ait pas d’ombres dans le bassin de la Seine suggérait que son arrivée dans le bassin de la Loire était suffisamment ancienne pour que sa lignée parentale ait entre temps disparu du bassin de la Seine, alors que de nos jours des populations implantées s’y développent sans problème. Le début des études génétiques sur les populations ligériennes remonte à l’époque du projet contesté de barrage à Serre de la Fare. A cette époque, mon laboratoire d'affectation conduisait une étude génétique des populations d’ombres et de gardons du bassin du Haut-Rhône pour comparer l’effet des barrages sur leur diversité génétique (thèse de Kadarwan Soewardi en 1988). J’avais alors profité de cette opportunité pour faire analyser un lot d’ombres de la haute Loire en amont du Puy, et les analyses avaient effectivement montré que ces derniers différaient de ceux du Rhône. J’avais alors fait remonter l’information au Ministère de l’Environnement. Je n’ai pas la prétention de croire que ce soit ce grain de sable qui ait fait avorter ce projet de barrage (le Préfet de l’époque avait d’ailleurs nié toute pertinence à notre démarche), mais on ne peut que se réjouir pour la population locale d’ombres qu’il ait été abandonné.
8’6. Le résultat de cette étude menée avec vos confrères de l’Institut Zoologique de Graz en Autriche met en lumière une espèce particulière au bassin de la Loire qui a en partie résisté aux multiples croisements avec des populations d’autres bassins, introduites sous forme de divers alevinages. Comment cohabitent différentes souches d’ombres dans une rivière ? Ont-elles les mêmes exigences biologiques, notamment au niveau de la reproduction ?
HP. Ce n’est pas l’étude de l’ombre de l’Alagnon mais l’ensemble des études sur les ombres du bassin de la Loire qui ont conforté l’idée que ceux-ci différaient de ceux des autres bassins. Avec mes collègues du Muséum et de l’Université Graz, il nous est apparu inéluctable d’élever ces populations au rang d’espèce à part entière. Nous nous sommes juste servi des dernières études sur l’Alagnon pour décrire physiquement cette espèce, lui donner son nom scientifique, Thymallus ligericus, et déposer les types (individus de référence conservés dans l’alcool) au Muséum à Paris. En l’occurrence, il ne s’agit pas d’une “découverte” à proprement parler mais juste d’une régularisation taxonomique. Nos travaux sur les populations ligériennes, notamment celles du haut bassin de la Vienne, ont montré qu’elles étaient pour la plupart génétiquement pures ce qui pose naturellement la question de l’efficacité des alevinages qui ont été pratiqués dans ce bassin, comme ailleurs, depuis près d’un demi-siècle. Alors que des populations d’ombres de diverses origines ont pu être implantées avec succès par alevinages dans différentes rivières hors de sa distribution initiale, les alevinages semblent inopérants en présence de populations naturelles, et notamment de celles de la Loire. Ces échecs répétés semblent traduire une plus faible compétitivité des ombres d’élevages, mais il est difficile de dire si c’est un problème fondamental d’inadaptation génétique, ou juste d’une inadaptation comportementale induite par leur élevage.
8’6. L’ombre ligérien a-t-il des capacités d’adaptation à l’évolution de son milieu supérieures à ceux d’autres bassins ?
H.P. Tenter de répondre à cette question exigerait des moyens expérimentaux et un temps chercheur qui me semblent inenvisageables dans l‘état actuel de la recherche en France. Arriver à seulement suivre l’évolution démographique de ces populations sur le terrain serait déjà pas mal. Peut-être cela permettrait-il de voir émerger des différences susceptibles de faire l'objet d'expérimentations scientifiques ?
8’6. Vous êtes le spécialiste français de l’ombre commun, vous constatez comme nous tous son déclin global. Quelles mesures préconisez-vous pour sauvegarder cette espèce à l’heure des canicules à répétitions et des épisodes de sécheresses ?
H.P. La régression des populations d’ombres s’est faite en deux temps : au XIXe siècle avec l’industrialisation des vallées encaissées qui a souvent abouti à l’extinction par pollution des petites populations isolées, notamment par les barrages moulins, et au XXe siècle avec la construction des grands barrages noyant la majorité dans grandes zones à ombres des cours principaux (moyennes vallées de l’Ain, de la Sioule, du Taurion, et enfin du haut Rhône français), certaines populations, comme celles de la Vienne ou de l’Alagnon, ne devant leur survie qu’à la présence d’une ligne de chemin de fer en fond de vallée. Aujourd’hui nous abordons un troisième temps, le changement climatique, qui ne laisse pas beaucoup d’espoir à moyen terme, même si la “résistance” de la population de la basse rivière d’Ain me surprend… Dans l’immédiat, on ne peut guère que réclamer la suppression de tous les ouvrages hydrauliques secondaires qui entravent la libre circulation du poisson et notamment des ombres (par exemple le barrage de Passouira sur l’Ance du Nord), et on ne peut que déplorer l’activisme du lobby des micro-centrales qui prétend faire de leur intérêt particulier l’intérêt de tous (triste à dire mais le meilleur Ministre de l’Environnement que l’on n'ait jamais eu fût le premier, Robert Poujade, à l’époque du premier choc pétrolier où, paradoxalement, la France allait se jeter dans le nucléaire plutôt que dans les économies d’énergie… ).
8’6. On constate que quand il le peut, l’ombre tend de nos jours à migrer vers l’amont en raison de l’élévation des températures sur les zones aval. Ce poisson est-il adapté à une “typologie truite” avec moins de gravières et davantage de gros éléments minéraux ?
H.P. Effectivement, de nos jours on constate, comme par exemple sur la Combade, une “remontée” des ombres très loin sur l’amont mais il ne faut pas l’attribuer à l’élévation des températures. Je pense qu’il s’agit juste des effets concomitants de la suppression de certains seuils et de l’amélioration de la protection des géniteurs par augmentation de la maille. C’est ainsi qu’on peut retrouver de gros ombres très en amont dans des secteurs où vous ne trouverez jamais de juvéniles, faute des habitats nécessaires à ces derniers en période d’étiage, les grands radiers courants. Les gros ombres eux peuvent patienter dans les fosses sans courant le temps que l'eau revienne, mais autrefois ils y étaient très exposés à la pêche et on n’en trouvait donc pas. Maintenant, il est évident que les populations vont régresser par l’aval avec le réchauffement et par les deux bouts avec la chute des débits : comme l’albatros a besoin de vent, l’ombre, bien plus que la truite, a besoin de courant !