Déversement de truites de pisciculture, encore et encore
Auteur(s): Vive l'AlagnonCréé le 04 Mars 2024
Courrier adressé à M. le Prefet du Cantal
Massiac, le 18 décembre 2023
Objet : Nouveau plan de gestion piscicole du Cantal et rivière Alagnon
Copie :
A Madame la Sous-Préfète du Cantal Aurélie Serrano
Au directeur de la direction régionale "Auvergne-Rhône-Alpes" de l'OFB, Monsieur Dumez Jacques
Au chef du service départemental du Cantal de l'OFB, Monsieur Lasserre Franck
Monsieur le Préfet du Cantal,
Vous allez être sollicité pour valider le nouveau plan de gestion piscicole (PDPG) du Cantal élaboré par la Fédération de pêche du Cantal.
Nous avions interpellé votre prédécesseur par courrier du 24 mai 2022 de la mise en place d’un parcours pêche à gestion touristique dite “ halieutique” intitulé “ truite arc en ciel” depuis 2021 sur l'Alagnon, au niveau du camping de Massiac, par cette même Fédération de pêche et l’AAPPMA gestionnaire du loisir « pêche » de cette partie de rivière.
Comme vous le savez, les précédents PDPG prévoient une gestion patrimoniale, donc exempte de tout déversement de poissons, sur la totalité de l'Alagnon depuis 2003.
L’association « Vive l’Alagnon » vous demande de veiller au maintien de cette gestion patrimoniale stricte sur la totalité de ce cours d’eau dans la rédaction du nouveau PDPG.
Nous vous rappelons les différents éléments développés dans notre courrier précédent : à savoir que le PAGD du SAGE Alagnon, approuvé par l'arrêté préfectoral du 30 septembre 2019, a mis en place des actions pour atteindre et maintenir une bonne à très bonne qualité des cours d'eaux. Ce même PAGD fixe un objectif d’obtenir une qualité physico-chimique « excellente » pour ceux qui abritent des espèces piscicoles et/ou astacicoles (écrevisses) patrimoniales.
L'étude "qualité génétique des populations d'ombre commun de l'Alagnon" réalisée en 2018 par Monsieur Henri Persat (université de Lyon 1), a permis de décrire une nouvelle espèce inscrite depuis 2019 à l'INPN et figurant à l’Atlas des poissons d’eau douce de France paru en 2020 : l'ombre d’Auvergne (Thymallus Ligericus), ainsi que d'enrichir la connaissance de la faune piscicole naturelle de l’Alagnon et de confirmer sa dimension de patrimoine naturel, qu'il convient de préserver au mieux de toute pression supplémentaire, dont une gestion piscicole inadaptée peut faire partie.
Par ailleurs le déversement de truites domestiques dans l'Alagnon est incompatible avec la disposition 9B-4 du SDAGE Loire Bretagne en vigueur, qui stipule que les opérations de soutien d'effectifs ou de “repeuplement” mises en œuvre dans le cadre des PDPG:
- sont orientées vers les contextes piscicoles perturbés ou dégradés ;
- n’interviennent pas dans les masses d’eau en très bon état;
- sont réalisées en dehors des zones où sont présentes des populations autochtones viables, lorsqu’elles sont menées à des fins halieutiques de capture.
La commission locale de l’eau du SAGE Alagnon s’était prononcée le 1er mars 2016 à la suite d’une consultation sur les déversements de juvéniles de saumons et avait demandé un moratoire sur l’ensemble du bassin versant de l’Alagnon, justifié entre autres par le souhait de maintenir une population naturelle de meilleure qualité et en limitant les risques sanitaires. Ces motifs sont tout aussi valables en matière de lâchers de truites surdensitaires n’ayant pas d’avenir dans la rivière. En effet, la truite arc-en-ciel est une espèce nord-américaine incapable de se reproduire dans nos rivières, en raison de souches domestiques systématiquement employées dans les relâchers effectués en France.
Le nouveau plan de gestion piscicole du département doit être approuvé par vos services et sera ainsi opposable. Certains ont tendance à minimiser la portée du déversement de poissons issus de pisciculture dans le milieu naturel en arguant que les quantités de truites déversées sont faibles et que le risque sanitaire pour les populations autochtones présentes semble peu probable.
Nous aimerions rappeler par analogie que le port de la ceinture de sécurité est obligatoire et qu’il ne viendrait à personne l’idée de ne pas attacher son enfant à l’arrière de sa voiture sous prétexte que le trajet est court et que la probabilité d’avoir un accident est statistiquement faible. De la même façon, nous voulons protéger la faune piscicole de nos cours d’eau qui est un bien commun et qui n’appartient donc pas aux gestionnaires de la pêche. Des risques irréversibles sont malheureusement possibles en cas d’introduction de poissons, tout comme cela peut être observé dans les accidents de la route en cas de défaut de port de la ceinture de sécurité.
En conséquence, nous vous demandons de veiller au respect d’une gestion patrimoniale stricte de la part des gestionnaires sur l’Alagnon, en cohérence avec les objectifs du SAGE Alagnon, des directives du SDAGE, et de la présence d’espèces remarquables. Il est nécessaire d’éviter les déversements de poissons issus de pisciculture dans l'Alagnon, notamment du fait de risques sanitaires potentiels dommageables, dont personne ne peut affirmer sérieusement qu’ils ne comportent pas de risques, dans le pire des cas irréparables.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de nos considérations distinguées.
Hervé BRUN
Président de l’association VIVE L’ALAGNON
Association de protection de la rivière Alagnon et de ses affluents sur les trois départements Cantal, Haute-Loire, et Puy-de-Dôme.
Membre de la CLE du SAGE Alagnon, Lauréat du Prix Charles Ritz 2023